Appuyée par les légendes, l’observation à Rangiroa et Tikehau lors des pleines lunes d’été austral, a validé cette hypothèse ancestrale. Les passes de Tiputa et de Tuheiava sur ces atolls deviennent le théâtre d’une véritable concentration de requins-marteaux, régulièrement solitaires par nature. Un rassemblement hors du commun qui crée évidemment une intrigue pour les chercheurs du Mokarran Protection Society, une association internationale vouée à la protection de ces prédateurs.
Plein feu sur la recherche
Entre 2020 et 2021, un travail considérable a été accompli dans le but de percer ce mystère. Des plongées ont été organisées, chaque requin photographié, puis sa taille déterminée grâce aux lasers. Johann Mourier, du laboratoire de recherche Marbec à l’Université de Montpellier, dirigeait ces travaux. Son équipe a ainsi identifié 55 requins différents participant à cette danse des pleines lunes, de décembre à avril. Ces requins arrivent en moyenne deux jours avant la pleine lune pour repartir après une durée de six jours environ. Il a été constaté que nombre d’entre eux répétaient ce rituel pendant une période de 12 ans.
Localisation et orientation
Les chercheurs restent incertains sur la façon dont ces requins habitués, parcourant des milliers de kilomètres chaque année dans l’océan Pacifique, réussissent à retourner sur le lieu de prédilection. Bryan Keller de Save Our Seas, étiquette l’usage du champ magnétique terrestre comme une hypothèse probable. Les requins, grâce aux organes sensitifs sur la surface de leurs têtes, seraient capables de détecter ce champ magnétique.
Rassemblement de femelles
Un autre mystère à résoudre en relation avec ces rassemblements est leur composante uniquement féminine. Selon Éric Clua, un vétérinaire au Criobe à Moorea, cela s’expliquerait par la ségrégation mâle/femelle assez courante chez les grands requins. Cette répartition sociale permet de protéger la progéniture du cannibalisme fréquent chez les mâles. Cependant, aucune indication n’a montré que les femelles rassemblées étaient en gestation, et aucune nursery de grands requins-marteaux n’est connue sur ces îles.
Alimentation et pleine lune
Il semble probable que les besoins alimentaires attirent les femelles, particulièrement pendant la période de reproduction des raies aigles tachetées, une proie privilégiée. Par coïncidence, ces rassemblements se produisent à la même période. Le lien entre ces concentrations et la pleine lune reste toutefois flou. Quelques biologistes suggèrent que la pleine lune pourrait stimuler les capacités sensorielles des requins, les aidant ainsi dans leur chasse. De même, les marées provoquées par la pleine lune pourraient signaler le moment opportun pour se nourrir. Si la pêche s’avère fructueuse, pourquoi ne pas répéter le cycle ?